• Événement Anniversaire 2024

    Joyeux anniversaire ! Notre équipe de scientifiques vous attend pour repartir à l'aventure dans notre nouvelle édition de l'évènement d'anniversaire !

    L'événement débute le 2 Avril et se poursuivra jusqu'au 23 ! Pour plus de détails, vous pouvez cliquer ici !
  • Événement Avril 2024 - Cot Cot Codeccc

    Forgiennes et Forgiens,
    Il est l'heure de participer à notre tout nouvel événement forum : Cot Cot Codeccc !
    Pour en savoir plus, vous pouvez cliquer ici.
  • Mise à jour 1.281

    La mise à jour 1.281 aura lieu le mercredi 24 avril ! Comme d'habitude, il y aura une courte interruption des serveurs pendant la mise à jour et nous vous prions de nous excuser pour ce petit désagrément.
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Au plaisir des yeux...

Statut
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Kristillera

Forgeur d'Or
Ewa Hauton, artiste peintre : « C'est le corps, et, essentiellement celui de la femme qui m'inspire... Le corps en mouvement, en souffle, en disparitions et apparition. »

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Lyuba

Conquistador
FAUDRA-T-IL QUE JE PLEURE UN PEU ?

La vie me broie sous la meule de ton absence, ô femme

Elle meurtrit les plantes
Et assombrit l'âme
Lundi matin, rien qui suscite l'attention
La lassitude de l'esprit ploie sous la sérénité du paysage
Un café m'installe dans la tasse du réveil
Des états qui se cicatrisent en absence
Dans le monde des idées et des sentiments
La durée coule entre les saisons de mes doigts
De mes yeux ennuagés
Et dévore le fruit du temps.
La paralysie est unique
Un vertige s'affole autour de moi

Étrange domination qui m'empêche de me retourner.
La nuit du lundi
La tristesse m'endort sur ses épines
L'attention attisée est nuageuse et absente
Des choses comme des eaux gluantes sur la surface de mon âme
Comme la descente dans la mort.
L'aiguille de solitude transperce mon existence
Et extrait de mon cadavre le nerf des sensations quotidiennes.
Voilà mardi
Chuchotement du vide dans les parages de soi
Les douleurs de l'épuisement vous dispersent.
Pourquoi, installé confortablement dans ton sommeil éthéré
J'attends, chaque matin, ton coup de fil
Qui parle à ma mort depuis ces confins ?
Je dessine la carte de ta nuit depuis le cœur du réveil.
Ô jalousie !
Sous mon hostilité, il est des lignes rouges à ne pas franchir
Ici l'épuisement de l'âme
Et, dans les parages de tes sens assoiffés,
Je ne sais quelle humidité te préserve du silence lesbien et de la fuite.
Jeudi
Avant lui, mercredi
Je ressemble à des yeux ouverts après ma mort nocturne
Un canapé me reçoit avec la sollicitation d'un chat
Sur les articulations de mon corps toujours plus d'épuisement
Pourquoi ne retournerais-je pas au sommeil
Pourquoi pas les yeux fermés ?
Dans un instant
Ton coup de téléphone me ramènera.
Hier
Vide de ma vie
Sais-tu comment la lenteur a tissé la chemise de la nuit
Et la vigilance de la vie quand elle file au loin ?
Vendredi
Que veux-tu savoir
Il n'y a aucune sagesse dans cette solitude
Aucun nuage
La densité du néant consolide la certitude que rien ne m'intéresse
La certitude que tu es multiple là où tu résides
Et que je ne suis presque rien.
Ne suffit-il pas que j'en rie ?
Je sens quelque rancœur
Des pierres saillantes couvrent mon corps
Des herbes, des épines et beaucoup de désespoir
Peu d'oiseaux se posent sur les hauteurs
Brise qui humecte le désert de la journée.
Vendredi soir
Un camarade qui ne peut empêcher la lumière de la mort
Un peu d'alcool pour que mon âme s'apaise
Mais
Je déteste trouver quelqu'un d'autre dans le village de ton âge.
En vain j'adoucis ma terre
Des cauchemars bouillonnent comme la cafetière.
Je dis quel sens à mon existence puisque l'herbe
Du temps croît
Sous les draps de la nuit ?
Samedi est le rire du temps qui s'apprête à disparaître
Un soleil endolori se noie dans l'humide obscurité
Tu te joins au soir des humeurs
Des visages et des souvenirs me trouvent
Que tu regardes affectueusement
Mais pourquoi m'as-tu tellement cherché dans les errements du téléphone
Pourquoi mon âme est-elle absente
Faut-il que je pleure un peu pour que les choses s'améliorent ?


L'échappée de Akl AWIT

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Illustration de mon choix : Enki Bilal
 

kyhd

Modératrice
Membre de l'équipe
Modérateur
Les muses aux paupières closes sondent le cœur de l’homme pour y respirer l’essence de la vie. Les muses, aveugles du fini, cachent sous leurs voiles l’éclair du monde. Les muses sont toujours belles de leur gravité : elles ont enfanté tant de livres perchés, plumes aux encres souvent vieillies. Les muses pleurent leurs enfants défunts, tous ces mots oubliés en poussières de papier. Alors elles murmurent la nuit en psalmodies lentes le retour des perles ensablées, s’insinuant dans le cœur et les rêves de l’auteur somnambule.
Si tant d’écrivants sont insomnies, c’est que l’encre seule délie les silences du temps au vent de lune.
Ne sois donc pas surpris, jeune poète, si ta muse parfois t’éveille. Elle se méfie comme toi des mémoires défaillantes… Des milliers de mots endormis à éveiller à nouveau est pour les muses un travail harassant. Les paupières closes sont aussi leur fatigue. Elles ont besoin de toi, jeune poète, en lettres de temps. Ressuscite les mots qu’elles puissent un jour se reposer. La folie des hommes guette toujours le monde sans Verbe, c’est aussi la gravité de leurs visages… Aime ta Muse et console-la par l’encre de ton cœur.

Sandra Dulier, Plume funambule.
 

DeletedUser60137

Guest
La courbe de tes yeux


La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu

C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,

Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,

Bateaux chargés du ciel et de la mer,

Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores

Qui gît toujours sur la paille des astres,

Comme le jour dépend de l'innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards.





Paul Eluard (Capitale de la douleur)
 

kyhd

Modératrice
Membre de l'équipe
Modérateur
Détache-toi du regard d’autrui.
Avance et oublie.
Tu es rare et précieuse : ne laisse personne insinuer le doute.
Oui, tu es une femme de valeur. Courageuse et solaire, déploie tes ailes.
Toi seule connais le chemin.
Toi seule sais.
C’est ton combat.
Ne tache pas tes pensées par des esprits chagrins.
Reste claire.
Les gens qui t’aiment comprennent.
Éloigne le reste.
Tu es juste quelqu’un de bien.
Respire. Écris. Sois couleurs sous la plume.
Tu as encore une infinité devant toi.
C’est le tri de la vie, nécessaire.
Des liens se créent. Ils sont ta future richesse.
Rien ne se perd, tout se transforme. Le sens est là.
Une vie dépouillée, mais l’Amour au centre…

– Sandra Dulier
 

DeletedUser60137

Guest
Ce qui peut arriver à tout le monde
(1806-1850) Félix Arvers
Recueil : Mes heures perdues ( 1833 )

I

J'ai toujours voulu voir du pays, et la vie
Que mène un voyageur m'a toujours fait envie.
Je me suis dit cent fois qu'un demi-siècle entier
Dans le même logis, dans le même quartier ;
Que dix ans de travail, dix ans de patience
A lire les docteurs et creuser leur science,
Ne valent pas six mois par voie et par chemin,
Six mois de vie errante, un bâton à la main.
— Eh bien ! me voici prêt, ma valise est remplie ;
Où vais-je ! — En Italie. — Ah, fi donc ! l'Italie !
Voyage de badauds, de beaux fils à gants blancs.
Qui vont là par ennui, par ton, comme à Coblentz,
En poste, au grand galop, traversant Rome entière,
Et regardent ton ciel, Naples, par la portière.
— Mais ce que je veux, moi, voir avant de mourir,
Où je veux à souhait rêver, chanter, courir.
C'est l'Espagne, ô mon cœur ! c'est l'hôtesse des Maures,
Avec ses orangers et ses frais sycomores,
Ses fleuves, ses rochers à pic, et ses sentiers
Où s'entendent, la nuit, les chants des muletiers ;
L'Espagne d'autrefois, seul débris qui surnage
Du colosse englouti qui fut le moyen âge ;
L'Espagne et ses couvents, et ses vieilles cités
Toutes ceintes de murs que l'âge a respectés ;
Madrid. Léon, Burgos, Grenade et cette ville
Si belle, qu'il n'en est qu'une au monde. Séville !
La ville des amants, la ville des jaloux,
Fière du beau printemps de son ciel andalou,
Qui, sous ses longs arceaux de blanches colonnades,
S'endort comme une vierge, au bruit des sérénades.
Jusqu'à tant que pour moi le jour se soit levé
Où je pourrai te voir et baiser ton pavé,
Séville ! c'est au sein de cette autre patrie
Que je veux, mes amis, mettre, ma rêverie ;
C'est là que j'enverrai mon âme et chercherai
De doux récits d'amour que je vous redirai.

II

A Séville autrefois (pour la date il n'importe),
Près du Guadalquivir, la chronique rapporte
Qu'une dame vivait, qui passait saintement
Ses jours dans la prière et le recueillement :
Ses charmes avaient su captiver la tendresse
De l'alcade, et c'était, comme on dit, sa maîtresse ;
Ce qui n'empêchait pas que son nom fût cité
Comme un exemple à tous d'austère piété.
Car elle méditait souvent les évangiles,
Jeûnait exactement quatre-temps et vigiles.
Communiait à Pâque, et croyait fermement
Que c'est péché mortel d'avoir plus d'un amant
A la fois. Ainsi donc, en personne discrète.
Elle vivait au fond d'une obscure retraite,
Toute seule et n'ayant de gens dans sa maison
Qu'une duègne au-delà de l'arrière-saison,
Qu'on disait avoir eu, quand elle était jolie.
Ses erreurs de jeunesse, et ses jours de folie.
Voyant venir les ans, et les amans partir,
En femme raisonnable elle avait cru sentir
Qu'en son âme, un beau jour, était soudain venue
Une vocation jusqu'alors inconnue ;
Au monde, qui fuyait, elle avait dit adieu,
Et pour ses vieux péchés s'était vouée à Dieu.

Une fois, au milieu d'une de ces soirées
Que prodigue le ciel à ces douces contrées,
Le bras nonchalamment jeté sur son chevet,
Paquita (c'est le nom de la dame) rêvait :
Son œil s'était voilé, silencieux et triste ;
Et tout près d'elle, au pied du lit, sa camariste
Disait dévotement, un rosaire à la main,
Ses prières du soir dans le rite romain.
Voici que dans la rue, au pied de la fenêtre,
Un bruit se fit entendre ; elle crut reconnaître
Un pas d'homme, prêta l'oreille ; en ce moment
Une voix s'éleva qui chantait doucement :

« Merveille de l'Andalousie.
Étoile qu'un ange a choisie
Entre celles du firmament,
Ne me fuis pas ainsi ; demeure,
Si tu ne veux pas que je meure
De désespoir, en te nommant !

J'ai visité les Asturies,
Aguilar aux plaines fleuries,
Tordesillas aux vieux manoirs :
J'ai parcouru les deux Castilles.
Et j'ai bien vu sous les mantilles
De grands yeux et des sourcils noirs :

Mais, ô lumière de ma vie,
Dans Barcelone ou Ségovie,
Dans Girone au ciel embaumé,
Dans la Navarre ou la Galice,
Je n'ai rien vu qui ne pâlisse
Devant les yeux qui m’ont charmé ! »

Quand la nuit est bien noire, et que toute la terre,
Comme de son manteau, se voile de mystère,
Vous est-il arrivé parfois, tout en rêvant,
D'ouïr des sons lointains apportés par le vent ?
Comme alors la musique est plus douce ! Il vous semble
Que le ciel a des voix qui se parlent ensemble,
Et que ce sont les saints qui commencent en chœur
Des chants qu'une autre voix achève dans le cœur.
— A ces sons imprévus, tout émue et saisie,
La dame osa lever un coin de jalousie
Avec précaution, et juste pour pouvoir
Découvrir qui c'était, mais sans se laisser voir.
En ce moment la lune éclatante et sereine
Parut au front des cieux comme une souveraine ;
A ses pâles rayons un regard avait lui,
Elle le reconnut, et dit : « C'est encor lui ! »
C'était don Gabriel, que par toute la ville
On disait le plus beau cavalier de Séville ;
Bien fait, de belle taille et de bonne façon ;
Intrépide écuyer et ferme sur l'arçon,
Guidant son andalou avec grâce et souplesse,
Et de plus gentilhomme et de haute noblesse ;
Ce que sachant très bien, et comme, en s'en allant,
Son bonhomme de père avait eu le talent
De lui laisser comptant ce qu'il faut de richesses
Pour payer la vertu de plus de cent duchesses,
Il allait tête haute, en homme intelligent
Du prix de la noblesse unie avec l'argent.
Mais quand le temps d'aimer, car enfin, quoi qu'on dit,
Il faut tous en passer par cette maladie,
Qui plus tôt, qui plus tard ; quand ce temps fut venu,
Et qu'un trouble arriva jusqu'alors inconnu,
Soudain il devint sombre : au fond de sa pensée
Une image de femme un jour était passée ;
Il la cherchait partout. Seul, il venait s'asseoir
Sous les arbres touffus d'Alaméda, le soir.
A cette heure d'amour où la terre embrasée
Voit son sein rafraîchir sous des pleurs de rosée.
Un jour qu'il était là, triste, allant sans savoir
Où se portaient ses pas, et regardant sans voir,
Une femme passa : vision imprévue.
Qu'il reconnut soudain sans l'avoir jamais vue !
C'était la Paquita : c'était elle ! elle avait
Ces yeux qu'il lui voyait, la nuit, quand il rêvait.
Le souris, la démarche et la taille inclinée
De l'apparition qu'il avait devinée.
Il est de ces moments qui décident des jours
D'un homme ! Depuis lors il la suivait toujours,
Partout, et c'était lui dont la voix douce et tendre
Avait trouvé les chants qu'elle venait d'entendre.

III

Comment don Gabriel se fit aimer, comment
Il entra dans ce cœur tout plein d'un autre amant,
Je n'en parlerai pas, lecteur, ne sachant guère,
Depuis qu'on fait l'amour, de chose plus vulgaire ;
Donc, je vous en fais grâce, et dirai seulement,
Pour vous faire arriver plus vite au dénouement.
Que la dame à son tour. — car il n'est pas possible
Que femme à tant d'amour garde une âme insensible,
— Après avoir en vain rappelé sa vertu.
Avoir prié longtemps, et longtemps combattu.
N'y pouvant plus tenir, sans doute, et dominée
Par ce pouvoir secret qu'on nomme destinée,
Ne se contraignit plus, et cessa d'écouter
Un reste de remords qui voulait l'arrêter :
Si bien qu'un beau matin, au détour d'une allée,
Gabriel vit venir une duègne voilée,
D'un air mystérieux l'aborder en chemin,
Regarder autour d'elle, et lui prendre la main
En disant : « Une sage et discrète personne,
Que l'on ne peut nommer ici, mais qu'on soupçonne
Vous être bien connue et vous toucher de près,
Mon noble cavalier, me charge tout exprès
De vous faire savoir que toute la soirée
Elle reste au logis, et serait honorée
De pouvoir vous apprendre, elle-même, combien
A votre seigneurie elle voudrait de bien. »

Banquiers, agents de change, épiciers et notaires,
Percepteurs, contrôleurs, sous-chefs de ministères
Boutiquiers, électeurs, vous tous, grands et petits.
Dans les soins d'ici-bas lourdement abrutis,
N'est-il pas vrai pourtant que, dans cette matière,
Où s'agite en tous sens votre existence entière.
Vous n'avez pu flétrir votre âme, et la fermer
Si bien, qu'il n'y demeure un souvenir d'aimer ?
Oh ! qui ne s'est, au moins une fois dans sa vie,
D'une extase d'amour senti l'âme ravie !
Quel cœur, si desséché qu'il soit, et si glacé,
Vers un monde nouveau ne s'est point élancé ?
Quel homme n'a pas vu s'élever dans les nues
Des chœurs mystérieux de vierges demi-nues ;
Et lorsqu'il a senti tressaillir une main,
Et qu'une voix aimée a dit tout bas : « Demain »,
Oh ! qui n'a pas connu cette fièvre brûlante,
Ces imprécations à l'aiguille trop lente,
Et cette impatience à ne pouvoir tenir
En place, et comme un jour a de mal à finir !
— Hélas ! pourquoi faut-il que le ciel nous envie
Ces instants de bonheur, si rares dans la vie,
Et qu'une heure d'amour, trop prompte à s'effacer,
Soit si longue à venir, et si courte à passer !

Après un jour, après un siècle entier d'attente,
Gabriel, l'œil en feu, la gorge haletante,
Arrive ; on l'attendait. Il la vit, — et pensa
Mourir dans le baiser dont elle l'embrassa.

IV

La nature parfois a d'étranges mystères !

V

Derrière le satin des rideaux solitaires
Que s'est-il donc passé d'inouï ? Je ne sais :
On entend des soupirs péniblement poussés.
Et soudain Paquita s'écriant : « Honte et rage !
Sainte mère de Dieu ! c'est ainsi qu'on m'outrage !
Quoi ! ces yeux, cette bouche et cette gorge-là,
N'ont de ce beau seigneur obtenu que cela !
Il vient dire qu'il m'aime ! et quand je m'abandonne
Aux serments qu'il me fait, grand Dieu ! que je me donne,
Que je risque pour lui mon âme, et je la mets
En passe d'être un jour damnée à tout jamais,
'Voilà ma récompense ! Ah ! pour que tu réveilles
Ce corps tout épuisé de luxure et de veilles,
Ma pauvre Paquita, tu n'es pas belle assez !
Car, ne m'abusez pas, maintenant je le sais.
Sorti d'un autre lit, vous venez dans le nôtre
Porter des bras meurtris sous les baisers d'une autre :
Elle doit s'estimer heureuse, Dieu merci.
De vous avoir pu mettre en l'état que voici.
Celle-là ! car sans doute elle est belle, et je pense
Qu'elle est femme à valoir qu'on se mette en dépense !
Je voudrais la connaître, et lui demanderais
De m'enseigner un peu ses merveilleux secrets.
Au moins, vous n'avez pas si peu d'intelligence
De croire que ceci restera sans vengeance.
Mon illustre seigneur ! Ah ! l'aimable roué !
Vous apprendrez à qui vous vous êtes joué !
Çà, vite en bas du lit, qu'on s'habille, et qu'on sorte !
Certes, j'espère bien vous traiter de la sorte
Que vous me connaissiez, et de quel châtiment
La Paquita punit l'outrage d'un amant ! »

Elle parlait ainsi lorsque, tout effarée,
La suivante accourut : « A la porte d'entrée,
L'alcade et trois amis, qu'il amenait souper,
Dit-elle, sont en bas qui viennent de frapper !
— Bien ! dit la Paquita ; c'est le ciel qui l'envoie !
— Ah ! señora ! pour vous, gardez que l'on me voie !
— Au contraire, dit l'autre. Allez ouvrir ! merci.
Mon Dieu ; je t'appelais, Vengeance ; te voici ! »
Et sitôt que la duègne en bas fut descendue,
La dame de crier : « A moi ! je suis perdue !
Au viol ! je me meurs ! au secours ! au secours !
Au meurtre ! à l'assassin ! Ah ! mon seigneur, accours ! »
Tout en disant cela, furieuse, éperdue,
Au cou de Gabriel elle s'était pendue.
Le serrait avec rage, et semblait repousser
Ses deux bras qu'elle avait contraints à l'embrasser ;
Et lui, troublé, la tête encor tout étourdie,
Se prêtait à ce jeu d'horrible comédie,
Sans deviner, hélas ! que, pour son châtiment,
C'était faire un prétexte et servir d'instrument !

L'alcade cependant, à ces cris de détresse,
Accourt en toute hâte auprès de sa maîtresse :
« Seigneur ! c'est le bon Dieu qui vous amène ici ;
Vengez-vous, vengez-moi ! Cet homme que voici,
Pour me déshonorer, ce soir, dans ma demeure...
— Femme, n'achevez pas, dit l'alcade ; qu'il meure !
— Qu'il meure ; reprit-elle. — Oui ; mais je ne veux pas
Lui taire de ma main un si noble trépas ;
Çà, messieurs, qu'on l'emmène, et que chacun pâlisse
En sachant à la fois le crime et le supplice ! »
Gabriel, cependant, s'étant un peu remis.
Tenta de résister ; mais pour quatre ennemis,
Hélas ! il était seul, et sa valeur trompée
Demanda vainement secours à son épée ;
Elle s'était brisée en sa main : il fallut
Se rendre, et se soumettre à tout ce qu'on voulut.

Devant la haute cour on instruisit l'affaire ;
Le procès alla vite, et quoi que pussent faire
Ses amis, ses parents et leur vaste crédit.
Qu'au promoteur fiscal don Gabriel eût dit :
« C'est un horrible piège où l'on veut me surprendre.
Un crime ! je suis noble, et je dois vous apprendre,
Seigneur, qu'on n'a jamais trouvé dans ma maison
De rouille sur l'épée ou de tache au blason !
Seigneur, c'est cette femme elle-même, j'en jure
Par ce Christ qui m'entend et punit le parjure.
Qui m'avait introduit dans son appartement ;
Et comment voulez-vous qu'à pareille heure ?... — Il ment !
Disait la Paquita ; d'ailleurs la chose est claire.
J'ai mes témoins : il faut une peine exemplaire.
Car je vous l'ai promis, et qu'un juste trépas
Me venge d'un affront que vous n'ignorez pas ! »

VI

Or, s'il faut maintenant, lecteur, qu'on vous apprenne —
La fin de tout ceci, par la cour souveraine
Il fut jugé coupable à l'unanimité ;
Et comme il était noble, il fut décapité.

Félix Arvers
 

Lyuba

Conquistador
Il fait froid

L'hiver blanchit le dur chemin
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main ;
La haine souffle sur ta joie.

La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée...
Ferme ta porte à l'aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée !

Et puis laisse ton cœur ouvert !
Le cœur, c'est la sainte fenêtre.

Le soleil de brume est couvert ;
Mais Dieu va rayonner peut-être !

Doute du bonheur, fruit mortel ;
Doute de l'homme plein d'envie ;
Doute du prêtre et de l'autel ;
Mais crois à l'amour, ô ma vie !

Crois à l'amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
A l'amour, tison du foyer !
A l'amour, rayon des étoiles !

Aime, et ne désespère pas.
Dans ton âme, où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.

La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l'indulgence pour autrui,

Éponge des fautes lavées.

Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s'éclaire de ce qui brûle.

A ces démons d'inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse leur en pitié
Tout ce qu'ils t'ont vomi de haine.

La haine, c'est l'hiver du cœur.
Plains-les ! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur ;
Bel arc-en-ciel, sors de l'orage !

Garde ton amour éternel.
L'hiver, l'astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !

Victor HUGO

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by Charles-François Daubigny
 
Il pleure dans mon cœur…

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine - 1874
 

Lyuba

Conquistador
L'hiver

Ce qu'il faut au bonheur, lorsque souffle la bise,
C'est une porte close, un livre, et dans un coin
Une lampe qui brûle, et qui tout bas me dise
Que, si l'ennui venait, la muse n'est pas loin.

Il faut que d'heure en heure, et d'église en église,
La voix de l'avenir me parle dans l'airain,
Relève par degrés mon âme qui se brise,
Et, d'espoir en espoir, la mène au lendemain.

Surtout que nul amour ne tourmente ma veille,
Ou si dans le passé quelque ombre se réveille,
Qu'elle s'efface vite, et se perde à mes yeux,

Dans ce monde de l'âme, où d'une vie étrange
L'art anime son rêve, être mystérieux
Qui n'est déjà plus l'homme, et n'est pas encore l'ange.

Antoine de Latour.


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Lyuba

Conquistador
Réversibilité

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le cœur comme un papier qu'on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides ?
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté ;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !

Charles Baudelaire.


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by Tomasz Alen Kopera
 
LE LABOUREUR ET SES ENFANTS

Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le Père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor .

Jean de La Fontaine - 1668
 

Lyuba

Conquistador
La Nuit Transfigurée
Par Bernard De l'Océan

Ce flot de vent d'ombre et d'étoile
Au ciel immense qui se voile
Te fait trahir,
D'une lumière qui lointaine
Baigne tes songes de sirène
Et d'avenir,

Lueur de feu qui grève d'ombre
Tes yeux immenses qui font sombre
Dans les soleils,
D'une fontaine de silence
Qu'un froid stellaire étreint d'absence
Tes yeux vermeils.

Et la pâleur d'eau où se mire
Un soir étrange qui transpire
D'abolitions,
Jusqu'à penser à la paresse
Que dans un rêve de tristesse
Nous nous faisons,

Songe de nuit et d'amertume
Quand nous de nos ailes sans plume,
A parcourir
Ce feu d'étoile qui chancelle,
Nous cherchons la flamme nouvelle
Jusqu'à mourir. . .

Ce vent de feu qui monte vite
Et cette lèvre qui m'invite
A t'embrasser,
Dans un voyage dont j'avais
Prévu les chemins que tu sais
Ensorceler,

Ce soir étrange de sommeil
Qui nous conduit dans le soleil
D'ombre étoilée,
Nous ferons somme de langueur
Dans une vague de rumeur,
Transfigurée.


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DeletedUser47410

Guest
Comme une bulle de cristal
J'entends ton récital
Je vois tes pas de danse
Comme une incandescence

Tu brûles ma rétine
Mon cœur qui s'incline
Ma raison, elle décline
De ton absence assassine

Secouez-moi le corps
Car je suis presque mort
De ce manque qui me tord
Cette douleur me dévore

A toi qui me condamne
A consumer mon âme
Je m'offre corps et âme
C'est toi que je réclame

(Improvisation du moment)​
 

Lyuba

Conquistador
Nocturne en plein jour
Quand dorment les soleils sous nos humbles manteaux
Dans l’univers obscur qui forme notre corps,
Les nerfs qui voient en nous ce que nos yeux ignorent
Nous précèdent au fond de notre chair plus lente,
Ils peuplent nos lointains de leurs herbes luisantes
Arrachant à la chair de tremblantes aurores.
C’est le monde où l’espace est fait de notre sang.
Des oiseaux teints de rouge et toujours renaissants
Ont du mal à voler près du cœur qui les mène
Et ne peuvent s’en éloigner qu’en périssant
Car c’est en nous que sont les plus cruelles plaines
Où l’on périt de soif près de fausses fontaines.
Et nous allons ainsi, parmi les autres hommes,
Les uns parlant parfois à l’oreille des autres.
Jules Supervielle


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DeletedUser47410

Guest
Entropie anthropique

Et tourne, tourne, tourne, petite Terre ronde
Pendant que tout le reste s'effondre
Pendant qu'on laisse la glace fondre
Que les inondations grondent

Je suis né sur un joli monde un peu sombre

Et tombent, tombent, tombent, mille gouttes de pluie
Pendant qu'ailleurs le sable crie
Que le vent souffle en furie
Et que le corail blanchit

Je suis né sur un joli monde qui s'effondre

Et vole, vole, vole, microplastique
Et les animaux s'intoxiquent
Pendant que la nature décline
Que l'économie assassine

Je suis né sur un joli monde mais que répondre...

(Improvisation du moment)​
 

Lyuba

Conquistador
En hiver la terre pleure

En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.

Leurs idylles sont moroses.
- Soleil ! aimons ! - Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
- Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! –
Et la fait en s'en allant ;

Comme un amant qui retire
Chaque jour son coeur du noeud,
Et, ne sachant plus que dire,
S'en va le plus tôt qu'il peut.

Victor Hugo


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BlackKwolph

Biologiste
Les saltimbanques

Dans la plaine les baladins
S’éloignent au long des jardins
Devant l’huis des auberges grises
Par les villages sans églises.

Et les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe.

Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours, des cerceaux dorés
L’ours et le singe, animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage.

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


Daumier
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BlackKwolph

Biologiste
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La pluie, C.Monet


Il pleut. J'entends le bruit égal des eaux ;
Le feuillage, humble et que nul vent ne berce,
Se penche et brille en pleurant sous l'averse ;
Le deuil de l'air afflige les oiseaux.

La bourbe monte et trouble la fontaine,
Et le sentier montre à nu ses cailloux.
Le sable fume, embaume et devient roux ;
L'onde à grands flots le sillonne et l'entraîne.

Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
La vitre tinte et ruisselle de gouttes ;
Sur le pavé sonore et bleu des routes
Il saute et luit des étincelles d'eau.

Le long d'un mur, un chien morne à leur piste,
Trottent, mouillés, de grands bœufs en retard ;
La terre est boue et le ciel est brouillard ;
L'homme s'ennuie : oh ! que la pluie est triste !

R-F Sully Prudhomme
 

Lyuba

Conquistador
Nocturne

Ô mer, toi que je sens frémir
A travers la nuit creuse,
Comme le sein d’une amoureuse
Qui ne peut pas dormir ;

Le vent lourd frappe la falaise…
Quoi ! si le chant moqueur
D’une sirène est dans mon coeur –
Ô coeur, divin malaise.

Quoi, plus de larmes, ni d’avoir
Personne qui vous plaigne…
Tout bas, comme d’un flanc qui saigne,
Il s’est mis à pleuvoir.

Paul-Jean Toulet, Contrerimes


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