• Événement Historique 2024

    Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passerait si des personnages historiques de différentes époques et origines pouvaient se rencontrer ? Dommage si c'est le cas, car nous ne savons pas non plus ! Mais ... c'est cette idée qui nous a inspiré pour créer l'Événement Historique !

    Notre événement historique se déroulera du 6 au 27 mai ! Pour plus de détails, vous pouvez cliquer ici !
  • Événement Mai 2024 - Le coup de crayon !

    Forgiennes et Forgiens,
    Il est l'heure de participer à notre tout nouvel événement forum : Le coup de crayon !
    Pour en savoir plus, vous pouvez cliquer ici.
  • Mise à jour 1.282

    La mise à jour 1.282 aura lieu le mercredi 08 Mai ! Comme d'habitude, il y aura une courte interruption des serveurs pendant la mise à jour et nous vous prions de nous excuser pour ce petit désagrément.
    Pour une description détaillée des changements à venir, veuillez cliquer ici.

Au plaisir des yeux...

Statut
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Lyuba

Conquistador
…Le soir avant la prière, on faisait dans l'étude une lecture religieuse. C'était, pendant la semaine, quelque résumé d'histoire sainte ou les Conférences de l'abbé Frayssinous, et, le dimanche, des passages du Génie du Christianisme, par récréation. Comme elle écouta, les premières fois, la lamentation sonore des mélancolies romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l'éternité ! Si son enfance se fût écoulée dans l'arrière-boutique obscure d'un quartier marchand, elle se serait peut-être ouverte aux envahissements lyriques de la nature, qui, d'ordinaire, ne nous arrivent que par la traduction des écrivains. Mais elle connaissait trop la campagne ; elle savait le bêlement des troupeaux, les laitages, les charrues. Habituée aux aspects calmes, elle se tournait, au contraire, vers les accidentés. Elle n'aimait la mer qu'à cause de ses tempêtes, et la verdure seulement lorsqu'elle était clairsemée parmi les ruines. Il fallait qu'elle pût retirer des choses une sorte de profit personnel, et elle rejetait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas à la consommation de son cœur, – étant de tempérament plus sentimental qu'artistique, cherchant des émotions et non des paysages.

Il y avait, au couvent, une vieille fille qui venait tous les mois, pendant huit jours, travailler à la lingerie. Protégée par l'archevêché, comme appartenant à une ancienne famille de gentilshommes ruinée sous la Révolution, elle mangeait au réfectoire à la table des bonnes sœurs, et faisait avec elles, après le repas, un petit bout de causette avant de remonter à son ouvrage. Souvent les pensionnaires s'échappaient de l'étude pour l'aller voir. Elle savait par cœur des chansons galantes du siècle passé, qu'elle chantait à demi-voix, tout en poussant son aiguille. Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles, faisait en ville vos commissions, et prêtait aux grandes, en cachette, quelque roman qu'elle avait toujours dans les poches de son tablier, et dont la bonne demoiselle elle-même avalait de longs chapitres, dans les intervalles de sa besogne. Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées s'évanouissant dans les pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous les relais, chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, à quinze ans, Emma se graissa donc les mains à cette poussière des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'éprit de choses historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir, du fond de la campagne, un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir…


extrait choisi de : Madame Bovary - Gustave Flaubert

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BlackKwolph

Biologiste
Baudelaire ? Harmonie du soir :-)

@gaarance ?

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
 

Harley D

Forgeur d'or
extrait choisi de : Madame Bovary - Gustave Flaubert
Cela me rappelle de mauvais souvenirs !
Lors de mon intégration dans un collège français, alors que j'avais encore quelques difficultés avec la langue de Molière, ce fut ma première littérature imposée.
Cela a tellement été un calvaire que je conserve que de mauvais souvenirs de ce "chef d'oeuvre".
 

Lyuba

Conquistador
Cela me rappelle de mauvais souvenirs !
Lors de mon intégration dans un collège français, alors que j'avais encore quelques difficultés avec la langue de Molière, ce fut ma première littérature imposée.
Cela a tellement été un calvaire que je conserve que de mauvais souvenirs de ce "chef d'oeuvre".
C'est triste d'être dégoutée, dans une institution dite pédagogue, d'un auteur aussi brillant que Flaubert
 

Lyuba

Conquistador
Le chat Charles BAUDELAIRE

I

Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !

II

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.


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Lyuba

Conquistador
La chevelure - Charles Baudelaire

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !

Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !

Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure

Des souvenirs dormants dans cette chevelure,

Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !



La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,

Tout un monde lointain, absent, presque défunt,

Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !

Comme d'autres esprits voguent sur la musique,

Le mien, ô mon amour ! Nage sur ton parfum.



J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,

Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;

Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !

Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve

De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :



Un port retentissant où mon âme peut boire

À grands flots le parfum, le son et la couleur ;

Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,

Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire

D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.



Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse

Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;

Et mon esprit subtil que le roulis caresse

Saura vous retrouver, ô féconde paresse !

Infinis bercements du loisir embaumé !



Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,

Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;

Sur les bords duvetés de vos mèches tordues

Je m'enivre ardemment des senteurs confondues

De l'huile de coco, du musc et du goudron.



Longtemps ! Toujours ! Ma main dans ta crinière lourde

Sèmera le rubis, la perle et le saphir,

Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !

N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde

Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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kyhd

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S’ARRÊTER DANS UN BOIS, de Robert Frost
The woods are lovely, dark and deep.
But I have promises to keep,
And miles to go before I sleep,
And miles to go before I sleep.

La forêt est belle, profonde et sombre.
Mais j'ai des promesses à tenir,
Et des chemins à parcourir,
Avant que je ne sombre.
 

kyhd

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To Autumn
Season of mists and mellow fruitfulness,
Close bosom-friend of the maturing sun
Conspiring with him how to load and bless
With fruit the vines that round the thatch-eves run;
To bend with apples the moss'd cottage-trees,
And fill all fruit with ripeness to the core;
To swell the gourd, and plump the hazel shells
With a sweet kernel; to set budding more,
And still more, later flowers for the bees,
Until they think warm days will never cease,
For Summer has o'er-brimm'd their clammy cells.

Who hath not seen thee oft amid thy store?
Sometimes whoever seeks abroad may find
Thee sitting careless on a granary floor,
Thy hair soft-lifted by the winnowing wind;
Or on a half-reap'd furrow sound asleep,
Drows'd with the fume of poppies, while thy hook
Spares the next swath and all its twined flowers:
And sometimes like a gleaner thou dost keep
Steady thy laden head across a brook;
Or by a cider-press, with patient look,
Thou watchest the last oozings hours by hours.

Where are the songs of Spring? Ay, where are they?
Think not of them, thou hast thy music too,–
While barred clouds bloom the soft-dying day,
And touch the stubble-plains with rosy hue;
Then in a wailful choir the small gnats mourn
Among the river sallows, borne aloft
Or sinking as the light wind lives or dies;
And full-grown lambs loud bleat from hilly bourn;
Hedge-crickets sing; and now with treble soft
The red-breast whistles from a garden-croft;
And gathering swallows twitter in the skies.
Ode à l'automne
Saison des brumes et de la moelleuse abondance,
La plus tendre compagne du soleil qui fait mûrir,
Toi qui complotes avec lui pour dispenser tes bienfaits
Aux treilles qui courent au bord des toits de chaume,
Pour faire ployer sous les pommes les arbres moussus des enclos,
Et combler tous les fruits de maturité jusqu'au cœur,
Pour gonfler la courge et arrondir la coque des noisettes
D'une savoureuse amande ; pour prodiguer
Et prodiguer encore les promesses de fleurs tardives aux abeilles,
Au point qu'elles croient les tièdes journées éternelles,
Car l'Été a gorgé leurs alvéoles sirupeux.

Qui ne t'a vue maintes fois parmi tes trésors ?
Parfois celui qui va te chercher te découvre
Nonchalamment assise sur l'aire d'une grange,
Les cheveux soulevés en caresse par le souffle du vannage,
Ou profondément endormie sur un sillon à demi moissonné,
Assoupie aux vapeurs des pavots, tandis que ta faucille
Épargne l'andin suivant et toutes les fleurs entrelacées ;
Quelquefois, telle une glaneuse, tu portes droite
Ta tête chargée de gerbes en passant un ruisseau,
Ou encore, près d'un pressoir à cidre, tes yeux patients
Regardent suinter les dernières gouttes pendant des heures et des heures.

Où sont les chants du printemps ? Oui, où sont-ils ?
N'y pense plus, tu as aussi tes harmonies :
Pendant que de longues nuées fleurissent le jour qui mollement se meurt,
Et nuancent d'une teinte vermeille les chaumes de la plaine,
Alors, en un chœur plaintif, les frêles éphémères se lamentent
Parmi les saules de la rivière, soulevés
Ou retombant, selon que le vent léger s'anime ou meurt ;
Et les agneaux déjà grands bêlent à pleine voix là-bas sur les collines ;
Les grillons des haies chantent ; et voici qu'en notes hautes et douces
Le rouge-gorge siffle dans un jardin
Et que les hirondelles qui s'assemblent trissent dans les cieux.
 

BlackKwolph

Biologiste
J'ai posté la version de Brassens. Voici le poème original, tout en délicatesse.

Les passantes – Antoine Pol

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime,
Pendant quelques instants secrets,
A celles qu’on connaît à peine,
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais.
A celle qu’on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit,
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui.

A la compagne de voyage,
Dont les yeux, charmant paysage,
Font paraître court le chemin,
Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main.

A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse,
Par une nuit de carnaval,
Qui voulut rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal.

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises,
Près d’un être trop différent,
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant.

A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encor votre deuil,
A celles qui s’en sont allées,
Loin de vous, tristes esseulées,
Victimes d’un stupide orgueil.

Chères images aperçues,
Espérances d’un jour déçues,
Vous serez dans l’oubli demain,
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin.

Mais si l’on a manqué sa vie,
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus,
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre,
Aux coeurs qui doivent vous attendre,
Aux yeux qu’on n’a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude,
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir,
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir.

Extrait Des Emotions poétiques
Par Antoine Pol (1888-1971)
Antoine Pol est né à Douai le 23 août 1888 et est mort à Seine Port le 21 juin 1971. Il a combattu pendant la guerre de 14-18 comme Capitaine d’artillerie. A la fin de la guerre il est entré au service des Mines de La Houve à Strasbourg en 1919. Puis a la fin de la seconde guerre mondiale, il devient président du Syndicat Central des importateurs de charbon de France. Il a pris sa retraite en 1959 pour s’adonner à l’une de ses grandes passions : la poésie. Ses Oeuvres principales sont Emotions poétiques-1918, Le livre de maman-1924, Destins-1941, Plaisirs d’amour-1947, Croquis-1970 et Coktails-1971.
Ce poème a été mis en musique et chanté par George Brassens un an après la mort du poète.
 

kyhd

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SHELLEY (PERCY BYSSHE).
Né en 1792—Mort en 1822.


Le Nuage.


I.

Des ruisseaux et des mers
J’apporte un bain de pleurs à la fleur embaumée ;
De mes hauts belvédère
Je porte une ombre douce à la feuille pâmée.
J’éveille le bouton
Quand dans le molleton
Sur le sein de sa mère il berce sa pensée,
En tombant goutte à goutte en humide rosée.
Je fouette la grêle et par monts et par vaux,
Et soudain je blanchis la terre,
Et puis me ravisant, j’en forme des ruisseaux
Et lui rends sa verdure……en dépit du tonnerre.

II.

Bien au-dessus de moi
Je tamise la neige, et les hauts pins gémissent ;
Et la nuit, comme un Roi
Sur cet oreiller blanc mes membres s’assoupissent.
Dans les castels de l’air
Mon pilote, l’éclair,
Se tient, muet sublime, observant le tonnerre
Qui s’agite en dessous comme un foudre de guerre ;
Lors à travers la terre, à travers l’océan
Bien doucement mon pilote me guide,
Prenant quelquefois son élan,
Soit vers les rocs aigus, soit vers quelqu’Atlantide,
En quête où les Esprits assemblent leur divan,
Où plane leur fluide ;
Jusqu’à ce qu’il soit sûr, sous un torrent, un mont,
D’avoir trouvé l’Esprit qu’il aime ;
Et moi, pendant ce temps, je me chauffe au plafond
Du ciel bleu ; – cependant qu’il se dissout lui-même !


III.

Le lever du soleil
Avec ses réseaux d’or, ses yeux de météore,
M’arrache à mon sommeil,
Quand l’étoile au matin dans l’azur s’évapore.
Tel sans craindre aucun choc
L’aigle peut sur un roc
Ébranlé par la terre, asseoir son envergure,
Et de son œil de feu visager la nature.
Et lorsque fatigué de sa course du jour
Le soleil radieux dans l’océan se plonge,
Exhalant ses ardeurs de repos et d’amour,
Et que le soir vient et s’allonge,
Moi, faisant de mon aile un suave abat-jour,
Je dors comme un oiseau bercé par un doux songe.


IV.

Cette vierge aux feux blancs
Que l’homme, en son jargon, appelle ainsi – la lune,
Se glissant sur mes flancs
En tapinois, parcourt ma transparente dune ;
Et partout où bruït
De ses pas le doux bruit,
De mon toit de vapeurs brisant la contexture
Les étoiles soudain de montrer leur figure ;
Et je ris de les voir chacune cligner l’œil
Comme feraient franches coquettes,
Et pour les exciter j’élargis mon linceuil,
Et laisse passer les pauvrettes,
Jusqu’ à ce que les lacs, et la mer, et l’écueil,
Tout soit enfin pavé de brillantes facettes.


V.

Avec chaînons d’or pur
J’attache le soleil à la zone brûlante,
Et la lune à l’azur
En roulant en anneaux la perle éblouissante ;
Les volcans sont blafards,
Les étoiles brouillards,
Lorsque les tourbillons déployant ma bannière,
Comme un soudain typhon je voile l’atmosphère.
Oh ! quand je marche ainsi, j’ai pour char triomphal
Les Puissances de l’air, Neige, Grêle, Tonnerre,
De mon fougueux coursier l’univers est vassal ;
Mais bientôt renaît la lumière,
L’arc aux mille couleurs allumant son fanal
Vient éblouir le ciel et rajeunir la terre.


VI.

De la terre et de l’eau
Je suis fils ; – mais au ciel j’ai fixé ma demeure ;
Et semblable à l’oiseau

Dans les couches de l’air je me baigne à toute heure.
Je change à chaque instant
Et sans mourir pourtant,
Car alors que, brillant, le ciel après la pluie
S’empresse de sécher mes larmes qu’il essuie,
Et qu’il bâtit soudain le dôme bleu de l’air,
Soudain aussi comme un vampire
Je sors de mon tombeau. – Puis plus prompt que l’éclair,
Je jette à bas le dôme… au milieu d’un fou rire !
 

Florn

Force de frappe
"Mon fils bien aimé, lorsque tu seras homme,
Quand tu liras ces vers, où, tremblant, je te nomme,
Souviens-toi que ta vie eut un rose matin,
Une aube claire, et pense à ceux dont le destin
Est depuis le berceau, pénible, triste, sombre,
Qui n'ont pas eu d'amour et n'ont connu que l'ombre,
Souviens-toi que ce sont tes frères... va vers eux...
Pauvres déshérités innocents. Si tu peux,
Fais luire un peu de joie, un rayon sur leur tête
Courbe et pour rançon, de la part qu'il t'a faite
Puisses-tu rapporter à Dieu, tout triomphant

La bénédiction si douce d'un enfant."

Eugène Rostand,
insufflant sur le berceau de son fils, Edmond, ses valeurs humanistes et peut être aussi le goût de la poésie.
 

Francky Funky

Renfort Évènementiel
Membre de l'équipe
Féline discrète...
De tes ronrons si apaisant et attendrissant,
J'entends encore ton petit cœur battre et tes griffes
Sortir tendrement sur mon bras, comme si tu souhaitais me dire
Occupes toi de moi...
Tes yeux tendres, ton regard si doux et évocateur de l'amour que tu me portais...
Tes caprices de Stars m'ont fait vibrer durant 11 ans.
Reposes en paix ma belle ! :-(

pistache.jpg
 

Lyuba

Conquistador
Les chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal


de tout coeur avec toi @Francky Funky
 

Florn

Force de frappe
Je sais

Le cœur qui bat trop fort
et le plaisir des dieux
à embrasser les corps
des diables amoureux

L’irrésistible attrait
du désir interdit
et les peaux affolées
dans les replis du lit

La sauvage emmêlée
les appétits de fauve
l’appel et le rejet
les secrets de l’alcôve

Les amants séparés
par la distance et par les heures
les secondes d’éternité
crispées sur la douleur

Les impatiences extrêmes
les rendez-vous manqués
les taxis qui se traînent
quand le corps est pressé

Je sais le feu aux joues
les yeux de braise, les faims de loup
les baisers dans le cou
le vent qui rend les amants fous

Je sais

Les aveux suspendus
à la bouche cousue
l’incendie des nuits blanches
la retenue qui flanche

La rivière des souhaits
sous le pont des soupirs
et le poids d’un sourire
sur l’arche des regrets

Je sais

Je sais le peu de gratitude
le poison de l’ennui
le désert de la solitude
et le froid qui détruit

La passion dans l’impasse
le mot blessant qui chasse
le mot doux qui retient
le regard qui s’éteint

Les “je t’aime”, “je te hais”
le mal, le bien que l’on s’est faits
sans même l’avoir jamais cherché
je sais l’aube désabusée

Je sais les mots de braise
aux lèvres qui se taisent
et la peur qui nous hante
et mes larmes brûlantes

Les appels au secours
les signaux de détresse
désespérant d’amour
et le vide qui oppresse

Je sais

Le geste déplacé
tous les actes manqués
les mots qui dépassent la pensée
et les regards estomaqués

L’innocence des beaux jours
les promesses oubliées
les serments pour toujours
perdus à tout jamais

Je sais le feu qui passe
et le spleen qui revient
le bras qui nous enlace
et l’angoisse qui étreint

Mais je sais

Je sais les chagrins qui s’envolent
au retour du printemps
et les humeurs frivoles
sous le souffle du vent

Les frissons du désir
et le temps qui s’étire
comme un chat langoureux
comme un homme amoureux

- Jacques Higelin - Flâner Entre Les Intervalles



 
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