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Déboires d'un escorteur nain dans un bidonville

  • Auteur de la discussion Wervel
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DeletedUser

Guest
Bonjour à vous, camarades !

Même si ce texte est au départ prévu pour le forum Grepolis, je me permet de vous le présenter puisque le mélange des technologies est le thème bien spécifique de FoE. Et puis étant de la même famille de jeu, c'est peut-être l'occasion de partager nos sections d'écriture respectives ;-)

Pour ceux que ça intéresse, il s'agit d'un pari exigeant de créer, à partir de ce titre si pittoresque, le récit d'un navire dans un bidon. Je me suis permis d'inscrire cette histoire dans la lignée d'un univers personnel qui verra certainement le jour bientôt.


(Toute ressemblance avec une personne existante ne serait que purement fortuite.)
(Surtout pour toi, Alyssandre.)

Les Déboires d'un Nain Escorteur dans un bidonville

Première partie :
Certaines journées commençaient comme les autres, comme autant de récits qui se répétaient. D'autres jours, en revanche, pouvaient se tailler une part généreuse dans la légende. Le Capitaine était certain que cette journée aurait sa part. Il le sentait dans ses tripes, ainsi posté à la poupe du Manchot.

Loin par delà la proue du navire, une brume matinale recouvrait les eaux calmes, gommant leurs limites et effaçant l'horizon. Même le grand mât de la goélette ne semblait pas assez haut pour pouvoir percer ce brouillard. Pourtant, depuis le haut de la vigie, un cri troubla le silence de la manœuvre.

«Terre !»

Malgré la brume, une partie de l'équipage ne put se retenir de tourner le regard vers l'avant, tentant vainement de distinguer le rivage de l'Archipel des Brumes. Capitaine n'y prêta nullement attention, se contentant de lorgner à travers sa longue-vue dans la direction opposée. Il ne sortit de sa contemplation qu'au chicotement d'un rat blanc qui courait le long du bastingage. Il suivit du regard le vif animal qui passa devant lui pour rejoindre sa maîtresse, accoudée non loin sur la paroi de bois.

- Pourquoi ce nom ?, glissa-t-elle autant pour elle-même qu'à son attention. "Capitaine"... Je veux dire, ça n'a rien d'un nom, nous sommes d'accord...

Elle accueillit au passage le petit animal, qui remonta le long de sa peau halée de la jeune femme et se percha sur son épaule, ses poils blancs tranchant vivement avec les longues boucles noires d'Alyssandre. La surprise passée, Capitaine se contenta de sourire.

- Vous êtes plutôt culottée, je trouve.
- On peut bien se permettre quelques familiarités, vous et moi... Répondez à la question.
- J'y suis forcé ?
- Tout le monde a droit à un Joker.
- Un joker ?
- L'équivalent de l'Excuse au tarot, expliqua-t-elle avant de remarquer l'incompréhension naissante dans le regard de son interlocuteur. Un jeu de carte - qui devrait vous plaire - où... Enfin bref, un moyen de ne pas répondre, voilà. Répondez, maintenant.
- Pour que l'on n'oublie pas qui je suis, se contenta de répondre l'intéressé en retournant à sa longue-vue. Et vous alors, pourquoi écrire dans votre nom un "y" et non un "i" ?
- Joker...

Le Capitaine s'esclaffa tout en restant concentré sur son observation. La jeune femme s'approcha de lui, son rat huma la brise marine d'un air curieux. Dans leur dos, la goélette approchait doucement du brouillard côtier.

- Quelque chose ne va pas ?

Capitaine lui tendit sa longue-vue qu'elle apposa sur un de ses yeux.

- Juste derrière nous. Une tache sur l'horizon.

Elle la repéra rapidement. Un éclat de lumière dans l'aube, à la limite de l'océan.

- Vous voyez comme il brille ?
- Un vrai phare. Qu'est ce que c'est ? Une frégate impériale ?
- Non, plus petit. Bien plus dangereux également. S'il reflète le soleil de cette façon, c'est à cause de sa carapace de métal. Un cuirassé. Au vu de la taille, un escorteur. Et il est en chasse. S'il s'est mis en tête de nous poursuivre jusqu'ici, nous n'avons aucune chance de le vaincre en pleine mer.

Alyssandre lui rendit sa longue vue, qu'il rangea dans une poche de son manteau.

- Il est encore loin, nous pourrions tenter de le semer dans la brume.
Capitaine se tourna vers le timonier posté non loin, et qui, il en était certain, avait suivi toute la conversation.
- Anatole ?

Alyssandre regarda l'autre répondre à son frère aîné avec la certitude d'une calculatrice.

- Le vent est doux. Les voiles du Manchot ne nous offrirons qu'une vitesse de cinq nœuds, ou à peine plus de dix kilomètres par heure, mademoiselle, ajouta-t-il en se tournant vers la jeune femme. A ce rythme, il nous rattrapera avant le soleil de onze heure. Et encore, c'est sans compter sa portée de tir...

Au même instant, une série d'éclair claqua à l'horizon. Le trio se retourna vers le cuirassé qui se détachait distinctement à présent. Le coup d'éclat ne dura qu'un instant puis tout revint à la normal.

- Il vient de se passer quelque chose, là non ? interrogea la jeune femme.

Les deux frères se contentèrent d'échanger un regard.
Puis Anatole se jeta sur le gouvernail et Capitaine rugit sur le pont de la goélette.

- La barre à tribord ! Bordez les voiles et mettez-vous à couvert !

Il avait à peine fini ses ordres que le son des canons du cuirassé parvint jusqu'au navire. Un bruit sombre et lourd qui annonçait l'enfer.
Puis l'enfer se déchaîna autour du Manchot. Cela commença par le sifflement des obus qui retombaient du ciel vers la mer. Les explosions éclatèrent la surface des eaux, projetèrent les vagues contre le navire, les embruns s'écrasant en lourds paquets sur le pont. Aucun n'atteignit la goélette, même si l'un d'eux creva une des voiles, emportant avec lui un large morceau d'étoffe. Quelque part dans la tête d'Anatole, un calcul se mit en place pour déterminer la perte de vitesse qu'engendrerait la perte de cette surface de tissu, mais de manière générale, tout son esprit est centré sur la navigation du Manchot. L'obus éclata juste à coté, secouant le navire. Tout l'équipage s'agrippa à ce qu'il trouvait. Anatole entendit Alyssandre crier, son frère Capitaine jurait, mais lui resta accroché à sa barre. Entre ses mains expertes, la goélette se courba souplement et continua de virer de bord, évitant le champs de destruction que venait de semer son poursuivant.
Et ce n'est qu'une fois le calme revenu, le silence retrouvant son règne sur les remous, que le timonier rendit au Manchot son cap initial.

- Voilà pour la portée de tir, souffla Capitaine.

Alyssandre peina à se relever, bien qu'elle ne sache pas si c'était sous le coup de la fureur ou de la douleur. Cette dernière lui tiraillait la mâchoire. Elle était certaine de s'être cassé une dent, et quelqu'un allait devoir payer pour ça.

- Et dans cette brume, quelles chances avons-nous de l'avoir ?
- « L'avoir », murmura en écho Capitaine.

Les deux frères se regardèrent un instant. Un sourire naquit sur le visage de Capitaine en même que l'inquiétude envahit le regard d'Anatole. Et plus le premier s'accentuait, plus le second s’amplifiait. Au même moment, le petit équipage de la goélette se regroupa pour recevoir les ordres. Parmi eux, le troisième des frères, Ricle le canonnier se détacha du groupe.

- Un plan, mes frères ?

Capitaine regarda en direction de la brume qui commençait à les envelopper.

- Camarades, cap sur les chantiers brumeux.
- Capitaine ?, s'inquiéta Anatole en rejoignant
- Cap sur les chantiers ! Il n'y a que dans cette brume et les méandres des carcasses que nous pourrons réussir !

Sans rien redire à cette décision, chacun repartit en vitesse à son poste pour mettre à exécution cette instruction. Anatole se plia en silence à la décision de son aîné et la goélette se noya dans la brume. Alyssandre se tenait toujours la mâchoire, son petit rat blanc encore sur l'épaule, semblant chercher à consoler sa maîtresse.

- Vous êtes certain que nous pourrons le détruire.

Bizarrement, la lueur qui brillait dans les yeux du Capitaine lui plaisait moyennement.

- Oh oui, pour l'avoir, nous allons l'avoir, ricana-t-il tandis que le Manchot disparaissait dans le brouillard. Quelqu'en soit le prix...
Seconde partie :
Tandis que le Manchot disparaissait dans la brume, le Nain continua à trancher net la houle, droit devant lui. Disparue dans la brume, sa proie fuyait pour se cacher, mais elle ne lui échapperait pas.

Elle ne lui échapperait pas parce que, même si la goélette était un prédateur, élancée, rapide, et bien armée, le Nain, lui, était un monstre.

Le petit cuirassé de classe Escorteur traçait un sillon d'écume dans les océans. Sa coque d'acier ne craignait nulle attaque. Ses lourds canons déversaient une pluie de feu sur quiconque se mesurait à lui. Et ses hélices, toutes ses machineries infernales que son ventre de métal gardait secrètement caché, le propulsaient implacablement à travers les eaux.

Et c'était là certainement son plus grand pouvoir, la victoire innée qu'il avait reçue à la naissance. Il pouvait vaincre le vent. Affranchi de ce maître capricieux, il était libre d'aller et de venir où il le souhaitait. De fait, le Nain appartenait à une nouvelle espèce de navire. Une espèce dominante. Invulnérable face aux assauts de navires faits de bois et de voiles, ces fragiles créations qui craignaient un feu dont les cuirassés s'étaient rendus maîtres.

Et c'est convaincu de cette supériorité qu'il pénétra à son tour dans la brume.

Évidemment, le Nain n'était pas le plus grand de son espèce, et c'était bien pour cela qu'il se nommait Nain. Comme ceux de son gabarit, le petit cuirassé était bien plus habitué au rôle d'éclaireur, de patrouilleur ou bien sûr d'escorteur. Mais pour les navires étrangers à son espèce, même un petit escorteur comme lui était redoutable, et le Nain comptait bien le prouver en traquant sa proie où qu'elle aille.

Autour de lui, le brouillard commençait à se lever au même rythme que le jour et c'est ainsi qu'il l'aperçut. Ce ne fut qu'un mouvement de voile au-dessus de la mêlée nuageuse, mais le Nain rectifia son cap pour se jeter dans la direction du Manchot. Le plan était simple. Dès que la goélette serait assez proche pour que même la brume ne la dérobe plus à son regard, le Nain ajusterait ses canons pour l'envoyer par le fond. Evidemment, il aurait pu tirer à l'aveugle, inonder la zone de feu et de destruction, mais il n'était pas pressé. Il préférait la marque supérieure d'un tir propre et précis dans la coque si fragile d'un ennemi impuissant, plutôt que d'attribuer sa victoire à un coup de chance. Non, il ne laisserait aucune part de sa victoire au hasard. Il ferait simplement comme prévu.

Et comme prévu, il se retrouva dans le sillage du Manchot.

Comme prévu, il se rapprocha de plus en plus, prêt pour la mise à mort.

Ce qui n'était pas prévu, en revanche, c'est ce qui apparu en même temps que la proue du Manchot. Le brouillard laissa apparaitre une masse informe de bois, de corde et de toile. Dans sa poursuite, le Nain s'était laissé mener jusqu'aux abords d'une des île de l'archipel. Mais ce n'était pas des bancs de sable qui ceinturaient cette partie de la côte, ni une ligne de récifs...

C'était un véritable mur d'épaves qui se dressait devant l'océan, barrant l'accès à la baie. Le cuirassé eut juste le temps de voir la goélette se faufilait dans l'ouverture offerte dans le rempart maritime. Puis l'ouverture se referma.

Le Nain se retrouva seul devant cet obstacle imprévu. Surpris, ses hélices avaient ralenti. Il resta un moment immobile, à réfléchir devant la tanière de sa proie. Derrière la muraille, rien ne se présentait. Ni falaise, ni arbres, ni batiment. Il en déduisit qu'il y avait bien une étendue d'eau par delà l'ouverture. Néanmoins toutes ces épaves devaient bien reposaient sur quelque chose, et même si son tirant d'eau était faible, le Nain ne voulait se risquer sur des rochers côtiers. Finalement, le seul moyen de pénétrer dans le territoire du Manchot, c'était encore l'ouverture par laquelle il y était entré.

Une ouverture qui était maintenant fermée.

Les hélices du cuirassé se remirent en route. Et sans qu'elles ne cessent d’accélérer, les tourelles du Nain se mirent en position, braquées droit devant lui. Dans l'axe d'une proue qui brisait les vagues de plus en plus vite, en plein vers la porte des Chantiers brumeux.
Troisième partie :
Les chantiers navals de l'Archipel des Brumes n'ont jamais été autrement que sinistres, et cela même lorsqu'ils étaient employés par l'Empire. Même les îles qui composaient cet archipel n'avaient aucun attrait. Elles n'étaient que des bandes de terres nues, formées d'une roche volcanique sombre, que seule une vie pauvre et dénuée de beauté était venue fertiliser. La végétation y était rare, la faune réduite.

Seuls ses eaux poissonneuses et son manteau de brouillard avait attirer l'attention de la marine impériale. Elle y avait établi un port secret, caché dans cette étendue délaissée de la civilisation. On y amenait les navires meurtris par trop de tempêtes, ou trop de batailles. Avec eux suivaient de longs convois, trainant avec eux les lourds troncs des cèdres du nord. Avec ceux-ci, ajoutés aux cadavres des épaves, on assemblait de nouveaux vaisseaux qui partaient rejoindre la flotte impériale vers de nouvelles tempêtes et de nouveaux combats.

Ils s'étaient installé dans une très large baie. La plage avait d'abord été utilisée comme premier atelier. Puis quand elle avait été surchargée, on avait construit des jetées pour accueillir plus d'épaves et plus d'ateliers. Et quand ces jetées avaient été à leur tour engorgées par les carcasses de bois et les troncs taillés, on en avait construit d'autres, jusqu'à ce que la baie toute entière ne soit plus qu'un réseau de canaux encombrés.

Puis les conquêtes s'étaient apaisées, pour finalement cesser. On continuait d'emmener les épaves pourtant, mais plus aucun navire ne sortait. L'Empire avait simplement oublié ses chantiers. Il n'en avait plus besoin.

Les mâts chargés de voiles avaient quitté les canaux, emportant avec eux les dernières troupes impériales. Et quand le dernier vaisseau avait passé l'entrée des chantiers, le dernier gouverneur des chantiers navals de l'Archipel des brumes en avait scellé la porte, marquant l'abandon des lieux à leur sort.

-​

Les premiers obus tirés par le Nain, trop rapides et trop solides face au bois vieillissant, transpercèrent la porte close avant d'exploser plus loin. Les seconds tonnèrent contre elle, l'écrasant par leur impact, mais elle tint bon.

Ce ne fut plus le cas quand la proue d'acier du cuirassé la pulvérisa dans sa lancée. Le métal projeta dans les airs une nuée d'éclat de cèdres, une nuée qui retomba rapidement en une averse de débris tandis que la masse de l'escorteur s'écrasait dans l'eau du chenal. Sans plus aucune résistance, le monstre se faufila à l'intérieur, broyant au passage les amas de bois qui restait encore sur les cotés, élargissant encore le trou béant qu'il venait de creuser.

Satisfait, il prit le temps d'observer la tanière dont il venait de forcer l'accès. Il discernait ce qui restait des canaux bâtis, mais tout n'était que carcasses décrépies. Les quais, si quais il y avait vraiment eu, étaient enterrés sous le désordre des épaves et il était difficile de dire si telle masse de bois reposait sur un fondement solide, ou si c'était l'accumulation de débris qui lui avait donné forme.

Bien sûr le brouillard ne facilitait rien bien au contraire, cachant les contours de ce labyrinthe, et s'il fallait arpenter ces sombres canaux délabrés, c'était avec prudence et en vitesse réduite. C'est ce que fit le Nain. Ses hélices se firent douces dans les eaux pâles, et il s'engagea dans un chenal, aux aguets. Cet endroit ne ressemblait plus à rien, ce n'était plus qu'un bidonville entre la terre et la mer, sans qu'on puisse savoir lequel des deux le réclamait.

Le Nain n'aimait pas cet endroit. Qui sait où ses canaux pouvaient le mener, où sur quoi. Non, décidement, il devait frapper vite et fort. Ne pas prendre de risque et peu importe le plaisir du chasseur après tout. Cet endroit lui semblait de toute façon étranger au plaisir.

C'est pourquoi dès qu'il vit à nouveau le mouvement de voile, de l'autre coté du quai surchargé, il bascula ses canons sur tribord et ouvrit le feu. Les lourdes tourelles gémirent en tournant sur leur axe avant de souffler un vent de fumée noire qui repoussa loin la brume.

Puis le calme revint.

Au départ, le Nain ne distingua rien pendant que la fumée de ses canons retombait. Puis il vit les flammes s'élevaient là où il avait tiré. Il caressa un instant l'espoir d'avoir atteint sa cible, mais ce fut avant de voir un autre départ de feu s'allumer de l'autre coté. Puis encore un autre derrière lui.

Des dizaines de départ de feu naquirent tout autour du cuirassé. Rapidement une fumée blanche s'échappa du bois humide qui brûlait, remplaçant le brouillard par un épais nuage laiteux.

Le Nain n'eut pas le temps de comprendre, et encore moins de réagir, quand la première volée de boulets vint rebondir sur la cuirasse de sa proue. Les boulets tapèrent sur le métal qui répondit comme une cloche au son lourd,avant d'exploser dans les airs où ils avaient été renvoyés.

Le cuirassé pu alors voir ce qu'il croyait être une des épaves parmi toutes celles entassées sur le quai glissait derrière lui dans l'eau du chenal. La goélette le nargua d'une seconde volée qui n'eut pas plus d'effet sinon celui d'achever de consterner l'escorteur. Comment était-ce possible ? Se reprenant, le Nain fit une embardée en avant et tenta de mettre en position sa tourelle arrière. Mais la goélette était bien plus à l'aise dans les étroits passages du chantier naval et le nuage devenait bien trop épais. Il ne pu que la voir disparaitre...

... pour mieux voir apparaitre la goélette qui le croisa à l'intersection devant lui.

Encore une fois, le cuirassé n'eut pas le temps de ralentir qu'il prenait de plein fouet une nouvelle bordée. Cette fois, les boulets crépitèrent sur son pont avant, balafrant sa coque et arrachant des éclats de peinture. Et encore une fois, il ne pût que voir son adversaire continuer sa route et se fondre dans la fumée.

Une quatrième volée qui suivit l'instant d'après acheva de faire comprendre au Nain l'ampleur du guêpier dans lequel il s'était fourré. Ses hélices creusant à toute vitesse un champ d'écume, il fonça à toute allure à travers les épaves. Il devait à tout prix sortir de ce nuage de cendre.

Traçant son chemin sans plus aucune prudence, il ne réalisa que trop tard que du nuage deux goélettes étaient sortis pour l'escorter, lui, l'escorteur piégé. Car ce n'est qu'à ce moment, quand les deux petits navires ouvrirent à nouveau le feu sur son pont, et quand ne prêtant plus attention à sa trajectoire il s'écrasa dans son virage contre un monceau d'épaves, qu'il comprit que loin d'être dans un lieu abandonné, il se trouvait dans le repère de son ennemi.
Quatrième partie :
A bord du Manchot, Capitaine regarda avec satisfaction le cuirassé stoppé net dans son élan, et c'est le sourire aux lèvres qu'il fit virer de bord son navire pour se mettre hors d'atteinte de la fureur grandissante du Nain. Ce dernier reculait déjà pour se remettre dans la bonne trajectoire, mais la goélette était déjà hors de vue, avançant dans un long canal menant tout droit aux terres.

Ces canaux, il les connaissait par cœur. Il les avait exploré tant de fois depuis qu'il avait découvert l'emplacement des chantiers brumeux. Et de ce qui n'était plus qu'un amas d'épaves, il en avait fait une base sûre. C'était ses hommes à lui qui tenaient cette place, ses hommes qui lui avaient ouvert l'accès à la baie pour échapper au cuirassé, ses hommes qui avaient incendié son repaire sur son ordre, nappant le piège géant d'une brume épaisse et sombre
.
Et c'était enfin ses hommes qui dirigeaient les quatre goélettes de sa flotte personnelle. Lui-même pilotait sonManchot, Anatole avait pris la barre avec deux autres lieutenants des trois autres navires, tandis que Ricle avait le commandement des troupes au sol. Celles-ci tiraient à présent un feu nourri sur le cuirassé, manœuvrant les canons au milieu des flammes qui dévoraient la baie.

Bien sûr, ces tirs ne causaient aucun dégât sérieux au petit cuirassé, mais si Capitaine sacrifiait sa base principale, ce n'était pas pour récupérer l'épave de son ennemi. Non, il désirait bien plus.

- C'est ça le plan ?, cria Alyssandre à travers les cris de l'équipage et le bruit de la bataille, Jouer à cache-cache dans ce bidonville en flamme pour l'avoir à l'usure ?
- Il ne s'agit pas de le détruire, mais de l'exciter. Le mettre en rage pour...

Avant qu'il ne finisse ça phrase, un grondement furieux déchira l'air derrière eux. Loin derrière la poupe du Manchot, ils virent une fumée noire prendre le dessus sur la brume blanche à grands coups de flammes et d'explosion. Une clameur d'agonie s'éleva à travers le carnage, trop vite étouffé sous le son lourd des canons.

Capitaine et Alyssandre purent voir une des goélettes sortir du brouillard, pour se faire immédiatement écraser par un cuirassé lancé à pleine vitesse. La coque fut réduite en morceau tandis que les maigres mâts ployaient sous la proue du Nain, qui acheva de les envoyer par le fond dans un misérable flottement de voile.

L'homme et la jeune femme restèrent un moment interdits devant le monstre qui fonçait à présent sur eux comme s'il sortait de l'enfer.

- Il vous parait suffisamment en rage, maintenant ?, parvint à glisser Alyssandre à son compagnon.

Ils échangèrent un regard, après quoi Capitaine hurla à son équipage.

- Bordez les voiles ! A toute vitesse ! Le monstre est sur nous et il est temps de savoir lequel en a le plus dans le ventre !

Puis avec un sourire qu'Alyssandre n'aurait su associer à la malice ou à la folie, il se concentra sur sa manœuvre qui le ramener sur la côte. La jeune femme se planta devant lui en s'accrochant au bastingage et plongea son regard dans le sien.

- Soyez honnête avec moi, avons-nous une chance de nous en sortir ?

Capitaine la fixa sans se départir de son sourire.

- Joker !

-​

Le cuirassé de son coté progressait implacablement à travers la fumée. Peu lui importait la gloire à présent, ou même le pourquoi de cette traque. Il avait dépassé ce stade. Il en avait fait une affaire personnelle.

Tout ce qu'il était n'était plus concentré que sur un seul but : détruire le Manchot !

Et c'est dans cette optique qu'il augmenta encore la vitesse de ses hélices. Les vagues qu'il projetait devinrent plus grosses. Sa proue était braquée sur sa proie. Il ne voulait plus la voir brûler. Non, il voulait sentir cette maudite coque de noix broyait sous sa cuirasse, la voir se briser sur sa quille et l'envoyer rejoindre les autres épaves de cet endroit de malheur.

C'est pourquoi il se moqua de voir sa vitesse atteindre un seuil déraisonnable. Il se moqua de voir la goélette virer soudain de bord pour se mettre en travers. Il se moqua du fait que, bien qu'il était en plein dans sa ligne de mire, il ne subissait aucun feu de la part duManchot. Il se moqua de voir, posté sur sa proue tandis que son équipage abandonnait son navire, posté en défi face à la toute-puissance du cuirassé, le sourire de prédateur sur les lèvres, le capitaine ennemi semblait l'attendre de pied ferme.

Le cuirassé d'escorte Nain se jeta sur le Manchot et le brisa en deux. La proue du cuirassé éclata d'abord son flanc tribord. Elle broya ensuite les deux niveaux de cales, fit s'abattre le grand mât de la goélette et en déchira les voiles. Enfin elle acheva son œuvre en passant à travers son flanc bâbord.

Puis elle toucha le sable.

La plage, noire et dense, laissa la proue continuer sa course sur elle. Elle n'était que peu inclinée, c'est pourquoi même si la quille du Nain commença à labourer le sable, elle fit remonter sa coque hors de l'eau. Emporté par une vitesse que le choc avec le Manchot avait à peine entamé, le cuirassé ne put que se regarder s'échouer sur une plage qu'il n'avait pas vu, noyée qu'elle était dans le brouillard de cendre. Il s'y enfonça largement, jusqu'à ce que ses hélices elles-même touchent le fond sableux, éjectant désespérément le sable pour ne pas être paralysées, alors même qu'elles étaient devenus inutiles.

Puis le Nain s'arrêta enfin.

Sa carcasse métallique grinça et resta un instant en équilibre. Puis il bascula enfin sur son flanc, vaincu, et s'écrasa sur la plage parmi les débris flottants du Manchot.

Et resta immobile.
Épilogue
Le capitaine d'escorte Gorde cligna des yeux en revenant à lui. S'il l'avait oublié, son corps meurtri lui rappela immédiatement dans quelle situation il se trouvait.

La pièce de commandement était, à l'image du reste du cuirassé, complètement retournée. Gorde gisait avec le reste de ses officiers contre la paroi tribord, devenue par un retournement de situation littéral plancher de fortune. Un silence régnait, irréel après le chaos de la bataille qui venait de se dérouler. Le capitaine tenta de se redresser en s’agrippant à une console. Depuis les trous béants dans les baies vitrées, la fumée commençait à s'insinuer à l'intérieur, en même temps que le clapotis des vagues et le sifflement des canons refroidissant au contact de l'eau de mer.

Gorde ferma les yeux devant le désastre, comme pour en faire un mauvais rêve dont on peut se réveiller. Quelle folie lui était donc passée par la tête ? Il avait perdu le contrôle de ses nerfs. Cette maudite goëlette lui avait fait perdre le contrôle de ses nerfs.

Il n'eut pas le temps de se lamenter que des cris et des bruits de course dans l'eau leur parvinrent de l'extérieur. A peine quelques secondes plus tard et les premiers marins qui avaient déserté le Manchot envahissaient les lieux. Ils n'eurent aucun mal à maîtriser un équipage encore sous le choc.

Gorde quant à lui fut bien tenté d'utiliser l'arme automatique qui reposait à sa hanche, mais la lame qui vînt se planter dans son épaule l'en dissuada. Tandis qu'il s'écroulait contre la console, Alyssandre, aussi trempée que le reste de l'équipage du Manchot, fendit celui-ci jusqu'à l'infortuné capitaine d'escorte et planta son pied dégoulinant sur l'épaule blessée. Gorde ne sut plus si c'était la lame, l'eau salée qui détrempait sa plaie ou ce pied écrasant qui lui faisait le plus mal, mais toute idée de résistance disparut.

En fait toute idée disparut totalement de son esprit quand il croisa les yeux de la jeune femme. Elle lui lançait un regard aussi noir que celui du rat blanc perché sur son épaule, et sa façon de tenir sa lame n'augurait rien de bon.

- Il me le faut vivant !, hurla une voix hagarde derrière la foule.

Vainqueurs et vaincus se tournèrent vers l'ouverture d'où émergea Capitaine. Des éclats de bois s'accrochaient encore à ses vêtements et à sa peau, et le sang se mêlait à l'eau salée sur son visage, mais un plaisir sans pareil luisait dans ses yeux.

- Il me les faut tous vivants et en état de parler !
- Celui-là me doit une dent, gronda Alyssandre.
- C'est bien pour cela que je précise qu'il me les faut en état de parler, s'amusa Capitaine en les rejoignant.

Il prit un instant pour contempler sa nouvelle acquisition. L'image qui en vînt à Alyssandre fut celle d'un gamin sur le point d'ouvrir ses cadeaux de Noël. Puis Capitaine se tourna enfin sur son rival à terre.

- Vous n'imaginez pas combien je suis heureux de vous rencontrer. Votre navire est vraiment une merveille. Bien sûr, il faudra quelque temps avant qu'il ne puisse reprendre la mer, mais ensemble je suis sûr que nous y parviendront. (Il reporta son regard sur Alyssandre) Evidemment, je crois que beaucoup de personnes souhaitent vous rencontrer, mais je crois préférable pour tout le monde que vous commenciez avec moi...

Une moue sur son visage en partie gonflé par la douleur, la jolie furie rangea son couteau mais garda son pied pressé sur l'épaule de Gorde, qui émit au passage un hoquet de douleur.

- Pauvres fous, parvint-il néanmoins à soupirer, vous ne savez à quoi vous vous attaquer...

Capitaine se pencha alors sur lui. Ce que vit Gorde dans ses yeux lui fit presque plus peur que la lame d'Alyssandre.

- Oh mais vous n'imaginez pas à quel point, susurra Capitaine, à quel point je suis pressé que vous m’appreniez tout ce que vous en savez...
 

DeletedUser20908

Guest
Bonjour,

Je procède à la fermeture et à l'archivage du sujet pour inactivité.
Je reste disponible pour une éventuelle ré-ouverture :)

Bonne journée,
Ange.
 
Statut
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