Cinq jours..... Je courre au bord du canal, il est 19h et il fait encore 31°. Je laisse derrière moi la grande écluse et je règle mon allure par rapport au cardio fréquence mètre mais pour l'instant il affiche - - -. Je me suis levé à 7h ce matin, les cloches de l'église entrant par la fenêtre ouverte m'ont fait fermer les yeux. J'arrive au petit banc au bout de 11 minutes, je n'ai croisé aucun cycliste pour une fois. Pas eu besoin d'exprimer ce bonjour qui fait monter le cardio de 3 points mais - - -. A partir du banc le sentier devient une bande entre deux eaux. Un passage du Gois qu'ici la marée ne submerge pas. A 11h je n'avais toujours pas quitté ma chambre. Fortement occupé à trouver de bonnes raisons à mon inaction. La meilleure étant que demain serai un jour bien plus propice à toute démarche. Demain matin je sortirai chercher du pain et je passerai à la banque. Aucune raison de s'angoisser. La chaleur devient de plus en plus écrasante, je courre, l'eau jusqu'au genoux, je ne ralentis pas sur ce passage du Gois qu'ici la marée ne submerge pas. D'habitude un cri cendré alerte de ma présence non désirée lorsque j'atteins la borne 181. Mais cette fois rien, rien ne perturbe le cardio qui - - -. A 13 h, j'ai récupèré trois jours de courier dans la boîte au lettre. J'ai placé les lettres près du coupe papier pour ne pas oublier de les ouvrir plus tard. Malgré moi je lis une note manuscrite du facteur sans enveloppe qui me prévient que tant que l'arbuste qui empêche l'accès à la boîte aux lettres n'est pas taillé mon courrier ne sera plus distribué. Après 29 minutes de course, l'eau qui m'arrive à la taille ne permet même pas à mon corps de baisser en température. Sur ce passage du Gois qu'ici la marée ne submerge pas, l'eau marécageuse transforme l'atmosphère en une moiteur presque palpable. Comme ce climat tropical sur les rives du Maroni. L'enfer vert où l'on craint de croiser une matoutou alors que ce qui vous tuera se seront ces dizaines de moucherons qui viendront s'installer sur votre visage gluant de biafine et de sueur. Mais ici aucun insecte aucun bruit. Je ne ralentis toujours pas, je ne sais plus quelle pile je dois acheter pour le cardio - - -. A 15h la télévision me jette la voix criarde du tour de France. Enfin, une occupation. T'as fait quoi? J'ai regardé l'étape entre Macon et Jouy en Josas. Plus avouable que YouOrn, quoi que. Quatre heures d'une inexistance toute aussi pathétique. Il est trop tard pour rappeler l'agence. Il est trop tard pour tout. Les rebonds de ma course me permettent de respirer hors de l'eau par intermittence. Mais l'eau monte toujours. Il n'y a plus d'arbres, il n'y a plus rien, il n'y a plus que cette eau sur ce passage du Gois qu'ici la marée ne submerge pas. Je ne vois plus le cardio. Haletant sous l'eau, mes poumons se gorgent du liquide comme des éponges. Je tousse et ouvre chaque alvéoles qui se remplissent instantanément. Jusqu'à la dernière.