Floride (USA), Pâques 1834.
Depuis plusieurs heures déjà, on entendait un fort brouhaha provenant de la maison de nos maîtres.
J'appris par la suite qu'il s'agissait de prières, de prières pour leur seigneur.
-Pourquoi prient-ils leur seigneur,John ?
-D'après ce que j'ai entendu, ils célèbrent sa mort, me répondit-il.
-Ils célèbrent sa mort ? Dis-je,stupéfait.
-J'en sais pas plus que toi, mais il paraît que leur seigneur a pu revenir sur terre, ils appellent ça la Résurrection.
-Quel drôle de bonhomme quand même !
-Tu l'as dit. Maintenant tais-toi, les surveillants arrivent.
Les prières continuèrent le jour suivant. Il arriva un moment où je reconnus les prières, je ne savais plus où je les avaient entendues, mais j'étais sûr de les connaître. Soudain je me rappelai de tout. Ces prières, chaque soir je les entendait, dans la cale du grand bateau qui m'avait séparé pour toujours de ma famille. Ils priaient donc leur seigneur, mais pourquoi donc ? Pour qu'il les aident à détruire notre vie ?Pour qu'il donne plus de force à leurs coups de fouet ? J'avais décidément de la peine à comprendre qui était cet homme que les Blancs vénéraient.
Le soir même , j'entendis à nouveau du bruit venant de la maison des maîtres, mais ce n'étaient pas des prières... C'était des cris d'excitation, il devait se passer quelque chose d'important. Je m'approchai de la maison des maîtres,la curiosité était plus forte. Je savais que si on me voyait ici je recevrai une punition exemplaire, mais mon envie de savoir ce qu'ilse passait était plus forte que tout.
J'entendis la femme du maître s'exclamer :
-Qu'il est beau, je n'en avais jamais possédé avant ! Il est vraiment magnifique ! Oh merci mon chéri, ce sera vraiment les plus belles fêtes de Pâques de toute ma vie !
-Et tu n'as pas encore tout vu, lui répondit la voix du maître.
-Mon dieu, Bobby chéri, il y'en a un chariot entier !
Je n'en pouvais plus, je devais voir ce que c'était, je m'approchai de la fenêtre. C'est là que je vis alors les merveilles que le maître avait commandées. C'était du chocolat ! Je connaissais bien ce met précieux, comme j'avais du travaillé quelques temps dans une plantation de cacao en Amérique du Sud. Mais ce n'était pas du chocolat ordinaire, c'était des statues en chocolat ! Elles représentaient une créature difforme, je me dis que ce devait être lui le seigneur qu'ils avaient prié toute la semaine.Je n'avais jamais vu de créature pareille, c'était un animal, pour ça il n'y avait aucun doute. Il avait deux grandes oreilles, du moins j'en déduisais que c'était ses oreilles, car je n'avais jamais vu d'aussi longues oreilles... Ilavait de grandes pattes et de longues dents. Je me dis alors que je souhaitais ne jamais rencontrer pareille créature de ma vie.
-Oh mon chéri ça a dû te coûter tellement cher !
-Rien n'est trop beau pour toi mon amour.
Et ils se mirent à dévorer les statues, je ne comprenais pas comment ils pouvaient autant manquer de respect à leur dieu. Ces gens étaient définitivement très étranges !
Alors que j'observai toujours la scène, médusé. Je n'entendis pas le gardien qui s'avançait vers moi avec sa grande batte. Je vis son reflet dans la vitre de la maison et je pus esquiver son coup juste à temps. Le gardien, surpris par mon esquive, tomba au sol. Les pensées se mélangeaient dans ma tête,que devais-je faire ? Je finis par comprendre que je ne pouvais que fuir, alors je courrai vers la forêt. J'oubliai la grande barrière qui entourait la propriété. Les chiens de garde aboyaient, ils arrivaient. La première morsure me coupa le souffle,les chiens me projetèrent par terre, ils allaient me dévorer vivant, ils étaient entraînés à faire ça. Soudain je m'évanouis.
Je me réveillai dans une pièce sombre. Je ne pouvais plus bouger, j'avais les mains et les pieds liés. Alors je vis le gardien de la plantation, celui dont j'avais esquivé le coup. Je compris alors que tout était fini. Il se leva.
-Alors t'as cru pouvoir m'échapper négro ? J'ai empêché les chiens de te bouffer juste pour faire le travail moi-même, tu vas regretter ce que t'as fait !
Il prit le grand fouet que j'avais souvent vu fouetter le dos des esclaves.
Et le premier coup partit.
Je comptai.
-Un. ! La douleur me traversa.
-Deux ! Je voyais leur dieu aux grandes oreilles.
-Trois ! Je le voyais, rigolant de ma punition.
-Quatre ! Je le voyais rire de toutes les punitions des esclaves.
-Cinq ! C'est lui qui nous faisait subir tout ça.
-Six ! Ce maudit dieu de chocolat.
-Sept ! ..............
-Huit ! C'est lui qui leur donnait l'ordre de nous faire ça...
-Neuf ! ........Il entrait en moi à travers le fouet.........
-Dix !
Je m'évanouis en voyant le dieu des Blancs, ce dieu qui leur envoyaient tant de démons.............